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Approfondissements sur le Changement
Le changement sociétal : qu'est-ce que c'est ?
Notion importante pour Inter-Mondes, le Changement sociétal se réfère aux façons de "faire société" c'est-à-dire de penser et d'organiser les interrelations entre des différents et de réguler leurs différends. C'est donc un concept éminemment politique qui renvoie à notre conception du politique (voir ici). Ce sont notamment les rapports de force, les jeux d'acteurs, les intérêts, ... qui sont l'objet de l'analyse. Mais pas seulement...
Le changement sociétal renvoie également aux dimensions culturelles qui déterminent, en partie, les rapports entre les vivants, et, entre les vivants et les "autres" (morts, ancêtres, génies, dieux, Dieu ; marché, argent...). Il s'agit alors d'interpeller les institutions imaginaires de société, qui expliquent ces rapports et déterminent bien des façons d'interagir en société. L' "institution" étant pensée ici dans sa dynamique, son action, et non pas sa forme, son résultat.
La notion de "sociétal" ne suggère pas forcément un changement de toute la société dans son ensemble. Elle suggère surtout que les imaginaires de société, étant donné qu'ils se retrouvent à l'échelle de l'individu, de la famille, de l'organisation, de la Cité, puissent être travaillés à l'une ou l'autre de ces échelles, dans le concret de l'activité.
Ainsi par exemple, on a observé combien il était difficile pour un projet de renforcement des femmes entrepreneuses, dans la ville de Antsiranana (Madagascar) de rentrer dans les logiques de micro-crédit et d'entrepreunariat proposés par le projet. Peu de personnes du projet étant conscientes du fait que dans la ville, 80% de ces femmes s'occupent seules de 3-4 enfants de pères différents. Dissociées de leur communauté, ces femmes doivent choisir entre éduquer leurs enfants ou développer des activités rémunératrices. Le plus souvent elles survivent et bien des enfants quittent l'école pour constituer les "foroches" ces fameux gangs qui défraient quotidiennement la chronique pour des faits de vols, voire plus. En creusant on découvre un phénomène important dans la zone. Ce qu'on pourrait appeler un "machisme migratoire" qui structure bien des façons de faire famille. Ce mécanisme, où l'homme ne cherche pas à fonder famille mais quitte la femme pour une autre dès qu'il l'a mise enceinte, nous semble alors devoir être sérieusement pris en compte dans toutes les interventions de ce type dans la zone.
Le contraste entre ce qui est souhaité dans ce type d'approche socio-économique et ce qui se joue à l'intérieur la société, est particulièrement élevé dans cet exemple. On peut trouver des illustrations plus près de chez nous, dans beaucoup de projets qui focalisent leurs appuis "social" ou socio-éonomique à la réinsertion socio-professionnelle et plus encore à la création d'entreprise d'économie sociale et solidaire, dans des contextes "sociétaux" qui ne s'y prêtent pas facilement. C'est le cas notamment dans certains quartiers à forte proportion de population immigrée, où les femmes développent des activités pour s'entraider - certaines cuisinant, d'autres faisant la couture, d'autres encore, s'occupant des enfants en bas âge, ...- sans aucune rémunération ni organisation particulière. L'idée même d'être "chef" d'entreprise n'est pas naturelle chez beaucoup de ces personnes. Observer comment elles fonctionnent, sur quel base elles interagissent, quels sont les mécanismes qui organisent leurs "vivre ensemble" est vital pour tout ceux qui désirent les accompagner dans leur demande d'émancipation.
Travailler les façons d'instituer des relations entre elles, peut être une première manière d'entrer en matière, plutôt que de rechercher par exemple à les organiser en association ou en entreprise. Les questions à travailler autour de l'activité devraient être alors :
- comment on décide de décider ensemble ?
- quelles règles on se donne sur base de quels principes (quelles valeurs éventuelles) ?
- pourquoi fait-on ceci comme cela et pas d'une autre manière ?
- qu'est-ce qui justifie tel acte ou tel comportement, plutôt qu'un autre ?
...
Le fait de rester du coté de la question, plutôt que d'apporter des réponses toutes faites est, dans bien des cas, la voie principale pour réellement inscrire les gens sur le chemin du changement voulu, désiré.
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