Faire coup double
Ce que faire coup double n'es pas !
Faire coup double pour Inter-Mondes ce n'est pas travailler les valeurs, les représentations, afin de changer les comportements. 50 ans de psychologie sociale montrent que la sphère des valeurs n'est que peu reliée à la sphère des comportements. Nos comportements dépendent beaucoup plus du contexte et des circonstances. On sait tous qu'il faut donner son sang (personne n'a à nous convaincre de cela) pourtant combien traduisent cela en pratique? A contrario, selon les circonstances nous nous surprenons tous régulièrement à faire quelque chose qui est "contraire à nos valeurs" mais en quelque sorte imposé par la situation : crier sur un enfant, insulter au volant un conducteur, court-circuiter une file d'attente, garder pour soi un objet trouvé... Selon les circonstances, selon qu'il y a un témoin ou pas, qu'il y a une autorité incitative ou pas (test de Milgram), une urgence ou pas, ... bien des expérimentations (voir notemment le test du billet perdu sur notre blog) ont montré que l'on pouvait se comporter très différemment, indépendamment de nos convictions, de nos valeurs.
L'idée selon laquelle nous sommes maitres de nos décisions et dépositaire d'un libre examen, est régulièrement démenti par la réalité (ce qui n’empêche que l'on dispose toujours de marges de liberté). Le véritable choix en tout connaissance de cause et en tout liberté, existe mais est bien plus rare qu'on ne le pense. De plus, notre conception de la liberté, nous fait penser qu'un comportement en dit long sur la nature des gens. Les spécialistes en psychologie sociale parlent à ce propos d'erreur fondamentale d'attribution consistant à penser qu'un comportement, un acte donne une idée définitive de la personne.
Beaucoup de démarches de sensibilisation qui partent de l'idée de changer les valeurs afin de changer les comportements, se trompent donc de cible. En tout cas, en tout état de cause, cela ne suffit pas et ne peut constituer qu'un début pour autre chose.
Ce qu'est le coup double
Le "faire coup double" consiste à partir d'état, de forme, de phénomène pour questionner plus fondamentalement les mécanismes en cause. Un problème de pauvreté, d'inégalité, de difficulté à prendre des initiatives, des responsabilités, va conduire à s'interroger sur les mécanismes qui à l'intérieur de la société, du groupe d'acteurs, de la famille, de l'association, de l'entreprise, ... conditionnent l'apparition, la reproduction du phénomène.
Dans l'exemple évoqué précédemment, le manque de revenu des femmes, va conduire à un travail de réflexivité sur la structure des dépenses du ménage. Ce travail va aboutir à les faire découvrir un mécanisme souterrain, tellement ancré qu'on ne le voit plus : leur propre rivalité-concurrence (qui est une façon d'interagir pour construire un ordre, une hiérarchie, donc une façon de vivre ensemble régie par des principes, des règles).
Ailleurs, à Madagascar par exemple, l'endettement récurrent en dépit des dispositifs existants de micro-crédit, s'explique en grande partie par les investissements dans les tombeaux, afin de préparer sa "vie" dans l'au-delà.
Ailleurs encore, le manque d'investissement dans le maintien de la fertilité des sols, sera l'occasion de discuter de la propriété foncière, des façons d'hériter, des relations au sein de la famille ou entre familles.
Dans la santé, la difficulté à réduire la prévalence du SIDA au-delà de 1% va permettre de travailler le rapport à la maladie, les représentations sociales qui y sont liées, en particulier le rapport à la sexualité, à l'homosexualité. Chaque société produit son type de malade (victime d'un microbe ? pervers châtié par une divinité ? victime d'un sort ? produit de l'histoire génétique ?)